Ebola : le crime de la pauvreté et du sous-développement

le 6 novembre 2014

ebola (1)

Ebola ! Ce nom apparu d’un coup, revient désormais à chaque bulletin d’informations, accompagné d’images que l’on croirait tirées d’un film d’épouvante.  Des corps hagards y déambulent dans les rues, parfois chassés par des foules inquiètes et paniquées alors que  des personnels médicaux recouverts de combinaisons risquent leurs vies pour en sauver d’autres. Ebola interpelle nos consciences.

 

Cela fait dix mois que ce virus chemine dans les pays côtiers de l’Ouest africain. Dix mois d’une progression inexorable sous les yeux d’une communauté internationale défaillante et ahurie qui a fait preuve d’une incroyable cécité jusqu’à ce que le virus atteigne les terres occidentales.  Il aura fallu que quelques cas soient découverts dans quelques-unes de leurs capitales pour qu’enfin on prenne conscience de sa gravité. Voici qui devrait à nouveau rappeler que tous les êtres humains vivent sur la même planète. Personne ne s’en sortira seul ! Raison de plus pour mettre en partage les connaissances des équipes scientifiques et appeler non pas à la monopolisation de la santé et des médicaments entre quelques firmes mais à faire de la santé -qui n’est autre que le bien être humain- un enjeu d’intérêt commun. Faute de s’assigner à penser ainsi, « Ebola » a pu prospérer.  Pourquoi, en effet,  ne pas avoir agi plus tôt alors que l’organisation des  Nations-Unies avait, dès le 13 février dernier, lancé l’idée « d’une initiative mondiale » afin d’éviter de telles catastrophes ? Pourquoi les paroles officielles aux tribunes internationales, qui ne manquent pas une occasion de donner quelques solides leçons de développement, se transforment-elles dans les faits en réduction des aides aux pays les plus pauvres ?

 

Pendant ce temps, le Libéria, la Guinée et la Sierra Leone comptent leurs morts par milliers. A l’heure où ces lignes sont écrites, on dénombre près de 5000 victimes selon les estimations officielles. Le double, voire le triple, est sans doute plus proche de la réalité et la menace d’une progression exponentielle se fait de plus en plus précise.

 

Un petit vent de panique a sans doute poussé les institutions européennes et les Etats-Unis à engager quelques mesures il y a une quinzaine de jours. L’Union européenne vient de nommer un coordinateur dont les missions demeurent très floues tant les voix restent discordantes au sein de l’Union. Le seul accord conclu pour l’instant a permis d’établir un protocole unique de soins et d’évacuation des volontaires de santé étrangers. C’est en soi une bonne chose. Mais comment penser que l’Union européenne puisse en rester à protéger ses courageux humanitaires, tout en laissant le virus continuer sa prolifération ? Certains pays dont la France ont également renforcé les contrôles aéroportuaires.

 

Certes, le Nigéria et le Sénégal ont pour le moment endigué l’épidémie. Mais aujourd’hui le Mali est touché et nul doute que d’autres pays le seront prochainement, en Afrique et ailleurs, tant Ebola fait fi des frontières et des peuples. Comment accepter qu’on trouve tant d’argent en un claquement de doigts pour engager des guerres, ou que des crises bancaires fassent partir des milliards en fumée, alors que l’Union européenne n’a, pour l’instant, dégagé que 84 millions d’euros sur les 500 millions prévus ? Elle n’a dressé que  quelques hôpitaux de campagne, alors qu’un milliard d’euros au moins serait immédiatement nécessaire. De leur côté, les Etats-Unis viennent d’expédier un important contingent de militaires dans les pays concernés dont certains se demandent quelle sera sa véritable mission.

 

Cette inertie concerne également, et c’est plus grave, l’Organisation Mondiale de la Santé qui n’a rien vu venir, ou minimisé mois après mois le phénomène. De ce fait, elle n’a pris aucune mesure quand le virus était circonscrit à de petits périmètres. Pourtant les alertes se sont multipliées dès l’apparition du virus en décembre dernier. Comme l’a lui-même reconnu J. Kerry, un seul pays fait figure d’exemple : Cuba. Forte de sa diplomatie médicale d’excellence au service des pays en développement et alors qu’elle subit les méfaits du blocus US, la petite île n’a pas attendu qu’un de ses ressortissants soit touché pour se projeter à l’avant-garde de la lutte contre le virus Ebola. Elle a dépêché un important contingent de cent soixante-cinq médecins et personnels de santé début octobre pour la Sierra Leone. Deux cent quatre-vingt-seize autres personnels sont attendus cette semaine au Liberia et en Guinée. Pendant ce temps, les pays européens ne cessent de tergiverser, prenant le risque, avec les autres pays occidentaux et l’organisation des Nations-Unies, de  perdre la bataille contre le temps, si précieuse quand une telle  épidémie fait rage, précisément parce que leur raisonnement a plus à voir avec les comptabilités imposées par les maîtres de la finance qu’avec le souci de donner priorité aux êtres humains.

 

Décidément, ces drames  confirment  la nécessité  de refonder les institutions internationales, dont évidemment l’Organisation mondiale de la santé, afin qu’elles établissent, dès l’apparition des premiers symptômes, des protocoles d’urgence dans les pays en difficulté.

 

L’Union européenne, si prompte à organiser la chasse et le fichage des migrants, serait quant à elle bien avisée de prendre la mesure du désarroi des pays africains face aux épidémies de toutes sortes, en dégageant les fonds nécessaires à une véritable coopération sanitaire qui associerait les populations locales et en cessant de faire de l’indispensable aide au développement une coquille vide.

 

Car, au-delà de l’urgence des mesures à prendre, de nombreuses questions restent ouvertes sur les causes de l’épidémie. En effet, de quoi Ebola est-il le nom ? Certainement pas d’une énième malédiction tombée du ciel, dont Le Pen père rêvait lorsqu’il affubla le virus d’un odieux « Monseigneur Ebola », contre lequel les Africains ne pourraient rien puisque victimes d’un mauvais sort, sans doute lié à la couleur de leur peau ! Moyen commode et odieux pour masquer qu’Ebola est le nom de la pauvreté, du sous-développement et de la violence des politiques ultralibérales.

 

Rappelons que le Libéria, la Sierra Leone et la Guinée ont subi la foudre des plans structurels de la Banque mondiale et du FMI, dans les années 80 et 90. En quelques années, leurs funestes recommandations ont été suivies à la lettre. En échange du financement de ces instituions vampires, ces Etats ont dû démanteler tout ce qu’ils avaient pu construire de services publics et vendre leurs infrastructures à des entreprises privées, pour la plupart issues des anciens pays colonisateurs. Pour prendre l’exemple de la Sierra Leone et en nous limitant au  problème qui nous occupe, 5000 fonctionnaires de santé ont été renvoyés en trois ans et la masse salariale du ministère de la santé divisée par trois, au début des années 90. Aujourd’hui, les systèmes sanitaires du Liberia et de la Sierra Leone sont exsangues. On y compte, respectivement, 1 et 2 médecins pour 100 000 habitants, quand, en France  on en compte 300. Ces deux pays dépensaient respectivement en 2007, 39 et 32 dollars par an et par habitant en matière de santé quand la Guinée dépensait moins de 62 dollars. La France de son côté dépense près de 5000 dollars par an et par habitant. De plus, la vétusté des infrastructures, notamment des routes, qui empêche toute action d’urgence, figure en bonne place dans les obstacles relevés par les ONG.

 

Ces « ajustements », pour reprendre le pompeux euphémisme néolibéral, ont jeté ces pays dans la pauvreté endémique et préparé le terrain à des guerres civiles parmi les plus violentes qu’a connu le continent africain, combinées à une corruption structurante et à un trafic d’armes des plus lucratifs.

 

C’est bien sur ces ruines qu’ont prospéré des terribles maladies dont la malaria, la tuberculose, le paludisme, le sida, les nombreuses maladies liées à l’eau souillée, et désormais, le virus Ebola. Ces pays, parmi les plus pauvres et fragiles de la planète, mettront des années à se remettre de l’épidémie et de ses conséquences sur l’économie. L’activité commerciale pâtit dès aujourd’hui de leur mise en quarantaine et de la fermeture de ports. L’ONU estime à 32,6 milliards de dollars le coût de l’épidémie d’ici la fin de l’année si celle-ci n’est pas contenue. Les peuples africains vont tenir une place de plus en plus importante dans notre humanité commune. Les aider à relever les défis sanitaires auxquels ils font face est un impératif humain. Encourager le développement des infrastructures d’assainissement, de transport, de services publics, par de nouvelles formes de coopérations est un devoir pour préparer notre avenir commun. Le terrible drame qui se joue là-bas nous le rappelle opportunément.  Les aider, c’est faire progresser notre commune humanité.


10 commentaires


Michel Berdagué 6 novembre 2014 à 13 h 03 min

Et dire que Cuba est sur l’ embargo U.S. avec la mise à demeure d’ être le mal absolu , sur la liste comme le PKK liste noire des boucs émissaires . Ta brillante analyse doit être diffusée partout dans le monde , oui les pays africains sont visés , beaucoup de richesses , en sous sol et humaines avec leurs créations culturelles , musiques , dessins traditions , avec aussi des efforts pour la monogamie et le planning familial mais c’ est par des coopérations et échanges que le mieux peut sortir avec le respect . Or il existe un très grave problème , dans la formation des cadres africains venant chez nous et subissant le formatage néo/ultra libéral du turbo capitalisme où l’ argent est facile dans ce capitalisme financier au détriment des populations avec corruptions et détournements , or quand ces cadres reviennent avec des formations militaires aussi ils imposent au peuple la vision capitaliste en stade suprême avec les militaires formés ici pour imposer lé ” pensée ” unique ” , le TINA . Certains résistent longtemps et arrivent comme Nelson Mandela mais pensons à Patrice Lumumba de libéral il passe à la gauche , et beaucoup qui sont presque oubliés comme Medhi Ben Barka , disparus sans sépulture . Dès que des hommes et des femmes ont eu le projet politique et économique d’ être en pleine indépendance les impérialismes se sont déchaînés pour les empêcher de construire sur ce continent très riche des sociétés vivables et tempérés , les multinationales privées et du capitalisme monopoliste d’ état ,agissant comme des vautours . Puisse un jour que la France , sortie de l’ OTAN , rejoigne les BRICS où l’ Afrique du Sud est présente et de grands pays, pour un monde multipolaire de coopérations et d’ échanges du mieux .

novelli rbert 6 novembre 2014 à 14 h 25 min

POUR UN PAYS DIT DICTAREUR ILS SONT MOINS
DICTATEUR QUE TRONCHE DE LUNE
HA? RLLE ET BELLE LE FRANCE AVEC CE CON A LA TETE ET CET ENCULER DE VALLS

RABOTOT Robert 6 novembre 2014 à 16 h 20 min

Ebola est une maladie qui pourrait être éradiquée pour peu que les laboratoires soient mis a contribution.
Les pays dits riches doivent contribuer a aider les pays d’Afrique a vaincre cette terrible maladie.

JP94 6 novembre 2014 à 21 h 17 min

Ou j’ai mal lu – et j’ai pourtant relu , ou bien de façon inexpliquée ton article met totalement le rôle de Cuba , seul pays réellement engagé sur place dans cette lutte contre ce fléau létal à 65% .
Cuba y a dépêché autant de médecins que l’ensemble des autres pays .

Quant à l’envoi de troupes US , on pourrait comme pour Cuba faire la comparaison avec ce qui s’était passé à Haïti : Cuba aide des centaines de milliers d’Haïtiens ( fait ignoré ici et donc on passera pour un fanatique si on le dit) ; les autres pays de la figuration pour la télé ( quelques dizaines de secourus ) en pleurant à chaudes larmes .. de crocodiles . Et les USA envoient les troupes sans aucune fonction médicale .

Mais d’après certaines sources américaines critiques , le rôle des USA dans la propagation de l’Ebola est bien pire que le flou décrit laisse supposé .

les USA ont justement installé dans ces 3 pays des labos à l’abri de toute convention internationale pour y tester des armes bactériologiques , et ce néo-virus est donc issu d’un pseudo vaccin … l’Huma pourrait chercher des infos plus approfondies à ce sujet aussi …

Les labos ne sont pas le remède mais la cause …

Follet 6 novembre 2014 à 22 h 42 min

Et bien il faut re-relire ou tout simplement s’appliquer dans la lecture: la rôle de Cuba occupe quasiment tout un paragraphe.

Michel Berdagué 6 novembre 2014 à 22 h 36 min

Pour le HIV – sida- aussi , j’ étais tombé sur un livre mettant en cause des labos privés . C’ est sûr que des enquêtes approfondies devraient se faire .

Le.Ché 7 novembre 2014 à 14 h 50 min

Le mal vient-il de “Ebola” ou le mal vient-il du capitalisme mondialisé,
je crois que l’un engendre l’autre, d’un coté des milliardaires qui ne savent plus quoi faire de leurs milliards et qui en veulent toujours plus, de l’autre coté des peuples que l’ont à plumés et qui maintenant
sont gratifiés de la catastrophe “Ebola”.
Méfions-nous c’est sans doute contagieux.

Guy Moreau 7 novembre 2014 à 18 h 38 min

L’injustice et l’inégalité se termine pour les victimes en exclusion qui peut très mal finir ; dans ce monde matérialiste ou l’humanisme est devenu très rare, un virus devient une sorte d’arme de destruction massive, c’est une sorte d’extermination qui est perpétrée dès lors qu’il est possible de sauver bien plus de vie et que ce n’est pas fait. Tout ça montre bien qu’il faut le changement qui ne peut venir car autrement rien n’est bon, que d’un Front républicain démocratique laïque universaliste, d’un front à visage humain, européen et international. La vie changera alors dans le pays de chacun et pour vivre ensemble dans le monde entier.

Richard 8 novembre 2014 à 7 h 51 min

Peut on aller jusqu’a penser ce qui suit : Des personnes bien pensantes étatsuniennes avancent depuis longtemps déjà ; que nous sommes trop nombreux sur notre chère planète et qu’il faudrait ne laisser sur les presque 7 milliards d’humains QUE 1.5 M .
Dans ce cadre là , et ne croyant pas du tout au hasard . PENSER QUE EBOLA , LE SIDA ET D’AUTRES SALOPERIES NE PEUVENT SORTIR QUE D’UN LABO N’EST PAS UNE VUE DE L’ESPRIT .

Michel Berdagué 8 novembre 2014 à 10 h 01 min

Oui cela fait partie de la recherche et du journalisme d’ investigation , des services officiels de police et d’ enquêtes mais surtout de ne pas laisser les labos aux mains de la poignée privée milliardaire qui avec l’ impérialisme ne voit pas d’ un très bon œil l’ Alternative de Gauche communiste , socialiste de Jaurès , même pour cette poignée le seul mot de République les fait déclencher une telle frousse , peur bleue , que 1945 est un cauchemar pour eux . Rappelez vous les tergiversations signifiantes pour le 8 mai 1945 sur wiki : ”
Le 8 mai a été déclaré jour férié de commémoration en France le 20 mars 1953.
Le président Charles de Gaulle supprime le caractère férié de ce jour par le décret du 11 avril 1959
En 1975, pour se placer dans une logique de réconciliation avec l’Allemagne, le président Giscard d’Estaing supprime également la commémoration de la victoire alliée de 1945.
C’est à la demande du président François Mitterrand que cette commémoration et ce jour férié seront rétablis, par la loi du 2 octobre 1981.” Signifiant non ! Nous étions là !Et , Giscard, encore lui ! a demandé il n’ y a pas si longtemps que le 8 mais ne soit plus jour férié surtout avec la poussée d’ extrême droite dans toute cette Europe malade du plus que malaise . Si il n’ y avait qu’ aux USA le danger des résurgences du pire : grave mais aussi grave voire plus l’ est sur notre vieux continent . Et là , à l’ Ouest nous ne pouvons que compter sur nos propres forces que certains – dits amis- passent leur temps à dégommer . Du boulot pour se Rassembler …. et il n’ en manque pas .

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