Double imposition des travailleurs transfrontaliers : pas de discrimination selon la Commission européenne

le 1 juillet 2011

Jusqu’à présent soumis à l’impôt en France, les anciens travailleurs frontaliers français voient désormais leur pension de retraite allemande imposée en Allemagne. L’administration fiscale allemande peut  réclamer l’impôt dû depuis 2005, majoré des pénalités de retard, alors que l’administration fiscale française ne peut effectuer de corrections sur les déclarations de revenus que sur les trois dernières années.

Ceci constituant de fait une double imposition et une différenciation entre travailleurs, j’ai interpelé la Commission le 11 mai dernier en déposant une question écrite.

Voici la réponse que je viens de recevoir :

Réponse donnée par M. Šemeta
au nom de la Commission
(30.6.2011)

Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), la double imposition juridique, qui résulte de la coexistence de deux régimes fiscaux applicables et des incompatibilités entre ceux-ci, n’est pas contraire au droit de l’Union. En revanche, les États membres ne peuvent pas discriminer les situations transfrontalières par rapport aux situations nationales.

En l’espèce, la législation allemande en cause n’établit pas de distinction directement fondée sur la nationalité.

De plus, en matière de fiscalité directe, la CJUE a jugé que la situation des résidents et celles des non-résidents n’est, en principe, pas comparable. Par conséquent, le fait que l’Allemagne n’octroie pas aux non-résidents certains avantages fiscaux qu’elle accorde aux résidents n’est pas non plus, en principe, constitutif d’une discrimination. Toutefois, si un non-résident ne perçoit aucun revenu significatif dans son État de résidence ou qu’il perçoit la majeure partie de son revenu imposable dans l’État où il exerce son emploi, ce dernier État doit le considérer comme un résident fiscal. L’Allemagne respecte ce principe, puisqu’elle offre aux non‑résidents percevant au moins 90 % de leurs revenus mondiaux en Allemagne, ou dont les revenus non soumis à l’impôt en Allemagne sont inférieurs au seuil d’imposition, la possibilité d’être traités comme des résidents fiscaux.

Compte tenu de ce qui précède, la Commission ne pense pas que l’Allemagne agisse de manière discriminatoire et n’entend donc pas prendre de mesures à l’encontre de cet État membre.

Concernant les allégations de rétroactivité, la Commission souhaiterait faire les observations suivantes.  Le libellé actuel de l’article 49, paragraphe 1, point 7), de la loi allemande relative à l’impôt sur les revenus (EStG), qui prévoit l’obligation susmentionnée, a été introduit par l’article 1er, paragraphe 23, de la loi du 5 juillet 2004 sur les retraites (Altereinkünftegesetz), qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2005 et a donc été appliquée à partir de la période d’imposition 2005. La loi modifiée ne s’est donc appliquée qu’aux périodes d’imposition postérieures à son adoption, et on ne saurait donc considérer qu’elle ait eu un quelconque effet rétroactif.

Néanmoins, la Commission tient à souligner qu’elle est consciente que la double imposition est un obstacle majeur au bon fonctionnement du marché intérieur. Dans sa communication de 2010[1] sur la suppression des obstacles fiscaux transfrontaliers pour les citoyens de l’Union, la Commission s’est dite convaincue qu’il n’est pas opportun, au sein du marché intérieur, que la double imposition dissuade les particuliers d’entreprendre des activités transfrontalières ou les pénalise lorsqu’ils le font. C’est pourquoi elle examine actuellement les problèmes auxquels les particuliers et les entreprises sont confrontés lorsque leurs revenus, leurs bénéfices ou leurs plus-values sont imposés par plus d’un État membre, en vue de proposer différentes solutions dans les mois à venir.

Sans surprise, cette réponse ne retient que le point concernant le “bon fonctionnement du marché intérieur”, la Commission ignorant le sort de ces anciens travailleurs -retraités ou invalides – ou des allocataires de pension de reversion contraints de payer des sommes parfois très importantes. En effet,  l’administration fiscale allemande vient tout récemment de leur réclamer l’impôt dû au titre des années 2005 à 2009, majoré des intérêts de retard, bien que ce retard ne soit en aucun cas de leur fait, sans leur permettre de bénéficier des abattements auxquels ont droit les contribuables allemands… et à une date trop tardive pour permettre aux services fiscaux français de corriger ou rembourser les contributions perçues sur le territoire national. Ces deux administrations se déchargent chacune de toute responsabilité, arguant du respect de la convention fiscale franco-allemande.

Cette injustice doit cesser, tout comme celle qui frappe nombre de travailleurs migrants au sein même de l’Union européenne. Nous nous attacherons donc à suivre avec la plus grande vigilance ces “différentes solutions” que la Commission devrait proposer “dans les mois à venir”.


[1]     Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, «Lever les obstacles fiscaux transfrontaliers pour les citoyens de l’Union européenne», COM(2010) 769 final.

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0 commentaires


Canelle 1 juillet 2011 à 19 h 15 min

Merci Patrick, oui cette injustice doit cesser.

condorcet777 20 juin 2012 à 20 h 24 min

Ont pourraient ce posés la question,pourquoi cette décision,maintenant? Ils font cela bien-sur sans prévenir les intérêssés,qui sont estomacqués,ils ont le couteau sous la gorge.

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