De l’énergie sociale à la perspective politique

le 3 juillet 2013

manif-rio

Dans les rues et sur les places, de Turquie à la Grèce, du Brésil à l’Espagne, du Portugal à l’Egypte, d’Israël à la Tunisie, la jeunesse fait souffler le vent des exigences de justice et de démocratie sur la planète. Aucune situation dans le déclenchement de ces mouvements multiformes n’est comparable. Et pourtant, ils sont la manifestation d’une lutte féroce entre les tenants de l’ordre capitaliste et les jeunes générations qui crient partout au partage des richesses, à la réinvention de la démocratie, à l’accès au savoir ou à la santé. Partout, elles appellent le gouvernement de l’intérêt général contre la corruption, pour une autre utilisation de l’argent, contre la privatisation des richesses, la participation citoyenne aux décisions au lieu de l’arbitraire et des déploiements policiers. Bref, elles appellent à la « société commune » contre les puissances industrielles et financières, qui elles, concentrent les pouvoirs et l’argent entre leurs mains.

De partout, des pays arabes, particulièrement en Egypte ces derniers jours, d’Amérique Latine, d’Europe, surgit et se déploie une véritable énergie sociale s’opposant au pouvoir sans partage de l’oligarchie qui mène la planète à la ruine et à la catastrophe écologique. En Turquie, le déclenchement du mouvement aura été la défense d’un espace vert, un espace public d’Istanbul symbole de la convivialité et du partage contre le bétonnage, contre le « super » marché. Au-delà, comme en Egypte, c’est l’autocratie qui est contestée. Au Brésil, une augmentation des prix des transports s’est transformée en un grand mouvement populaire réclamant une inflexion politique à gauche. C’est-à-dire l’investissement dans des services publics de transport, de santé, d’éducation au moment où des dizaines de milliards vont être dépensés pour accueillir la coupe du monde de football. Elle-même de plus en plus privatisée. Tout est dans cette contradiction : pour accueillir la coupe du monde, des milliards de dollars valsent, y compris des fonds publics, qui ensuite, sont privatisés par la fédération internationale de football qui impose toutes ses conditions avec des lois votées pour elle, des entrées aux stades hors de prix, un droit à l’information bafoué, sur un fond de corruption, alors que le travail est précarisé et que la santé, l’école, les transports sont toujours plus chers et déficients. Les progrès enregistrés dans la lutte contre la pauvreté et le chômage, sous l’impulsion de Lula, ne s’accélèrent pas. C’est d’ailleurs ce qui a conduit la présidente Dilma Rousseff à s’appuyer sur le mouvement en proposant un référendum pour aller plus vite et plus loin vers plus de justice. Au fond, ces manifestations tendent à être un mouvement contre un ajustement récessif de l’économie, réclamé par les marchés financiers et le fonds monétaire international et pour réclamer une augmentation de la dépense publique pour des services publics nouveaux, éléments de droits et d’actions contre la pauvreté.

Ceci se fait dans le même cadre qu’en Europe avec le développement de la crise du capitalisme et plus de libertés données au capital spéculatif. Nous sommes donc au coeur de la lutte cruciale entre le choix de la loi de l’argent-roi  et celui  de l’humain d’abord. Et à y regarder de près, ce sont les mêmes ingrédients qui sont à l’œuvre dans l’Union européenne : réduction de crédits publics, privatisations pour alimenter les banques, violentes attaques contre les droits sociaux, du travail et des retraites, restriction des choix démocratiques et gangrène de la corruption. La dernière réunion du Conseil européen en fin de semaine dernière le confirme en tout point. Où sont passés les 120 milliards d’euros annoncés il y a un an prétendument pour la relance économique ? Personne n’en sait rien ! C’est pourtant cette promesse qui avait servi à faire accepter le traité d’austérité européen. On nous annonce maintenant 8 milliards d’euros pour la jeunesse. Il en faudrait au moins 20 pour répondre aux nécessités de formation et de sécurisation du travail des jeunes en Europe. Et l’argent annoncé sera pris sur le fonds social européen donc sur d’autres chapitres de la solidarité. On transfère de l’argent pour de simples effets d’annonce sans aucun programme sérieux qui permettrait aux jeunes d’accéder à l’emploi stable et de qualité alors qu’il y a tant besoin de moyens financiers pour des projets communs dans l’objectif de réindustrialiser l’Europe en tenant compte de la transition écologique ou pour de grands projets communs dans des secteurs d’avenir comme le numérique ou les bio technologies.

La même réunion du Conseil européen a décidé de diminuer le budget alors qu’il n’y a jamais eu autant de besoins de solidarité et de nécessaires projets d’investissements d’avenir et créateurs d’emplois. La grande différence entre le Brésil et l’Union européenne est que Dilma Rousseff tente de construire un pacte national progressiste, quand sur notre continent les institutions européennes conjuguent autoritarisme et austérité.

Les mouvements actuels ont aussi en commun de se développer en dehors des partis, voir des syndicats, dans le cadre d’une profonde crise démocratique qui, elle aussi, est mondiale. La question interpelle en premier lieu les forces progressistes. Leur inaptitude à se transformer pour être en osmose avec les mouvements profonds des sociétés constitue un handicap pour tout projet de changement. L’expérience des mouvements, dans plusieurs pays arabes comme dans des pays européens, montre que les mobilisations massives, avec parfois des changements de pouvoir ou de régime, peuvent conduire au gouvernement des forces rétrogrades, réactionnaires, de droite et pire encore. En matière de démocratie, les faux-semblants conduisent dans le mur. Pas de raccourci donc avec une appropriation populaire des enjeux, qu’il s’agisse  des moyens à mettre en œuvre pour améliorer la vie quotidienne et changer ; de la nature des rassemblements larges à construire, comme du degré élevé de conscience à atteindre face à la puissance des forces coalisées des représentants du capital. Ouvrir la perspective progressiste d’une autre société et d’un autre monde est à ce prix. La bonne nouvelle réside dans le déploiement de cette énergie sociale de la jeunesse qui emmène avec elle les catégories sociales du travail et de la création. Là est l’avenir.

Humanité Dimanche


11 commentaires


Denys 4 juillet 2013 à 7 h 23 min

Le sabre et le goupillon
La problématique du développement de ces mouvements contestataires est leur manque d’encadrement politique et syndical qui conduit, on le voit pour l’Egypte, à ce que l’armée s’introduise dans le mouvement et voir le pilote, avec comme arrière pensée son propre intérêt et la garantie de ses avantages. L’autre force aux aguets et prête à dévoyer le mouvement populaire quand elle n’est pas au pouvoir, est le système religieux. Jean Ferrat disait « le sabre et le goupillon ». Et ce sont bien ces deux symboles qui captent les colères des peuples en souffrances sans répondre aux vraies attentes de réformes sociétales mais aux seuls intérêts militaro-religieux ! Le manque de vrais leaders progressistes capables de rassembler le peuple et de le fédérer vers un autre avenir est tout le nœud de cette colère toujours sans alternative à cette situation.
Prenons garde chez-nous aussi à ne pas nous laisser entraîner vers des alternatives populistes et sans avenir autre que la haine de l’autre, le repli sur soi et l’adhésion à l’ultra capitalisme. Pour celà la seule parade est l’adhésion syndicale et politique à une vraie gauche soucieuse des attentes des travailleurs. La CGT et le Front de Gauche répondent en France à ces attentes.

Michel Berdagué 4 juillet 2013 à 14 h 08 min

Si le Fdg répond aux attentes des travailleurs soit nous sommes invisibles , inaudibles , ou complètement marginalisés en regard de la stagnation vers les 5% des dernières élections . Là, il y a un grave problème . C’ est vrai cependant que la majorité celle des abstentionnistes avec les blancs et les nuls rejoignant les Rouges 5% qui s’ interrogent de plus en plus sur notre engluage dans le falloir changer de cap tout en sachant ou pas ? que ceux du pouvoir actuel atlantiste comme jamais à ne pas sortir de cet OTAN nouvel ordre mondial économiste en grandes oreilles et sous-marins et dromes et fusées et prisons off shore en bandoulière laissant le TGI muet et complice, sont dans leur logique d’ avoir choisi le libéralisme du turbo-capitalisme représenté par le premier de la classe: les States, cette majorité qu’ attend-elle pour être active, engagée , en action et debout? Si tous les prolétaires / citoyens et dans tous les pays se prenaient en charge faisant masse contre une ridicule poignée de tous les pouvoirs….du discours du Maître capitaliste.

Auguste 4 juillet 2013 à 9 h 52 min

Je partage le point de vue de PLH. Sur le commentaire le pb est moins de trouver des ” leaders ” comme le dit Cohn Bendit ( on ne se refait pas ) que d’inventer des formes politiques,collectives , collégiales , citoyennes d’alternatives politiques en phase avec les attentes populaires et capables d’inventer une nouvelle offre politique associant forces politiques, associatives, citoyennes , syndicales, combinant démocratie représentative et démocratie directe , et aussi bien sur mvts sociaux , mobilisations populaires.
François Auguste

Bernard D. 4 juillet 2013 à 10 h 10 min

“l’oligarchie qui mène la planète à la ruine et à la catastrophe écologique”.

Il ne faudrait pas oublier l’élite qui a sévi et causé de graves dégâts écologiques dans les ex “pays de l’est”, pays du “socialisme réel”.

poirier 4 juillet 2013 à 10 h 13 min

Ne plus m’envoyer d’information
Je vous l’ai déjà signalé

Tula 4 juillet 2013 à 11 h 49 min

On voit comment tous ces mouvements à travers le monde tournent rond. Sans un minimum d’organisation ils n’iront nulle part. Franchement, les puissants doivent se bidonner de voir les peuples tourner ainsi en rond qui n’ont même plus la boussole d’un possible avenir communiste. En Europe de même, on n’aura rien temps qu’on aura pas remis sur pied l’organisation du prolétariat, ébauche d’un contre-état anti-capitaliste et communiste. Ca commence par mettre à bas l’U.E., engeance anti-sociale.

Primet 14 juillet 2013 à 7 h 22 min

D,accord et pas d,accord …et quelle serait la situation si ces “mouvements qui tournent en rond” n,existaient pas ? (au demeurant ce n,est pas tout à fait exact-voire les trans formations en cours en Amérique du Sud) La question de l,organisation ,de leur stucturation réside à mon sens dans le développement d,un “communisme de nouvelle génération” et donc précisemment de nouvelles formes d,organisation à inventer .Que ces mouvements se cherchent il n,y a là rien de plus normal.La naissance de nouveaux partis révolutionnaires est en effet indispensable sinon ce serait l,enlisement et que les réponses à la crise structurelle du capitalisme oligarchique soient communistes ou bien elles ne seront pas j,en suis d’accord,d,autant que le système semble bien “au bout du rouleau” aux limites du possible mais il n,y a évidemment rien de mécanique ni d,écrit à l,avance

Ouallonsnous ? 4 juillet 2013 à 12 h 50 min

Monsieur le Hyairic, si vous voulez réellement convaincre de la sincérité de votre message, quittez l’euro-illusion de l’UE et travaillez en France au rétablissement de sa souverainetée !

fourré-jousselin 4 juillet 2013 à 17 h 21 min

Pour certains commentaires, quel besoin de nous ressasser le ….parti communiste, n’ont-ils pas changé depuis qu’ils ne portent plus de couches ? Laissons le passé, l’avenir est devant nous, essayons de tirer le meilleur parti des erreurs du passé et avançons au plus vite, pour une justice une égalité et …..une fraternité, que le capital ne mène plus le monde comme actuellement, exigeons une vraie démocratie, est-ce une utopie ?

BONVIN Francois 4 juillet 2013 à 19 h 16 min

Pourquoi il ne se passe rien en France ?

Maxa 9 juillet 2013 à 21 h 05 min

J”De partout, des pays arabes, particulièrement en Egypte ces derniers jours, d’Amérique Latine, d’Europe, surgit et se déploie une véritable énergie sociale s’opposant au pouvoir sans partage de l’oligarchie qui mène la planète à la ruine et à la catastrophe écologique”
. D’accord avec l’article, qui a l’inconvénient de mettre tout le monde daignorais que les généraux auteurs du coup d’Etat en Egypte ne faisaient pas partie de l’oligarchie.

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