COMPTE-RENDU DE SESSION DU PARLEMENT EUROPEEN (18-21 octobre 2010)

le 29 octobre 2010

Le Parlement européen s’est réuni en session à Strasbourg du 18 au 21 octobre. Voici les éléments essentiels de ce qui s’y est discuté.

Le Parlement européen a voté une résolution fixant la durée du congé maternité à 20 semaines dans toute l’Union européenne, bien que les droites européennes et l’UMP s’y soient opposées. Par contre, la proposition de notre groupe visant à instituer un salaire minimum européen n’a pas réuni de majorité. Enfin, le Conseil et la Commission s’arc-boutent pour amplifier les réductions de dépenses publiques et sociales, et José Manuel  Barroso a appuyé le compromis franco-allemand de Deauville sur le renforcement du Pacte de stabilité auquel je me suis opposé.

LIBERTÉ

Transfert de données aux Etats-Unis
Lundi 18 octobre, mes amis Rui Tavares (Bloc de Gauche – Portugal) et Marie-Christine Vergiat (Front de Gauche) ont demandé à la Commission davantage de précision sur des accords qui permettent de transmettre aux Etats-Unis toutes les informations personnelles que collectent les compagnies aériennes (date de naissance, sexe, adresse, personne à contacter, itinéraire…). Le Contrôleur européen de la protection des données lui-même s’est étonné du nombre de données que la Commission est prête à fournir dans ces accords. Il s’oppose également à tout transfert massif qui pourrait permettre un fichage des citoyens européens par les pays ayant passé ces accords avec l’Union européenne. Marie-Christine Vergiat et Rui Tavares ont donc demandé à la Commission de préciser quelles sont les données fournies dans ces accords, quels Etats les ont signés, et surtout quelles sont les garanties pour les citoyens européens.

LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ

Débat sur la pauvreté: sortir des campagnes publicitaires pour des actions concrètes
Mardi 19 octobre s’est tenu un débat sur la pauvreté au sein de l’Union européenne. Celle-ci touche un peu plus de 80 millions d’Européens, dont un enfant sur cinq. Statistiquement on estime que quelqu’un passe sous le seuil de pauvreté lorsque son revenu est inférieur à 60% du revenu médian, ce sont donc 16 % des Européens qui se situent sous ce seuil. Cette part est proche des 20% pour deux catégories plus vulnérables car difficilement ou non-intégrées au marché de l’emploi : les jeunes (18%) et les personnes âgées de plus de 65 ans (19%).

De plus, ces chiffres déjà alarmants ne prennent pas en compte les conséquences sociales de la crise, trop récente pour être correctement mesurée statistiquement, ainsi que la part de plus en plus importante des formes de travail précaire dans l’emploi salarié (CDD, intérim, formes de travail « atypiques », promotion du travail en freelance et de l’entreprenariat qui permettent de réduire les chiffres du chômage mais sont aussi source d’une grande incertitude et donc de précarité).

Mon amie Gabi Zimmer (Die Linke) a opposé les campagnes de publicité lancées par l’Union européenne au nom de l’année européenne de lutte contre la pauvreté, à des actes concrets comme un revenu minimum européen et une vraie ambition pour l’élimination de la pauvreté chez les enfants d’ici 2015.

REVENU MINIMUM EUROPÉEN

La proposition d’une collègue du groupe bloquée par la droite
Mercredi 20 octobre mon amie Ilda Figuereido (Parti Communiste Portugais) a présenté son rapport sur le revenu minimum en Europe. L’idée phare de ce rapport était la mise en place d’un salaire minimum de 60% du revenu médian dans chaque Etat membre. Mais l’amendement demandant à la Commission de présenter une directive-cadre dans ce sens a été systématiquement rejeté par les droites européennes dont l’UMP, en Commission Emploi comme en séance plénière, par 344 voix contre, 262 pour et 21 abstentions. Au lieu de cela, le Parlement a demandé à la Commission de « réfléchir » à une initiative dans ce domaine. Autrement dit, les droites refusent ce revenu minimum.

CONGÉ MATERNITÉ

Rapport Estrela : Un vrai progrès pour les femmes enceintes
Mercredi 20 octobre, le Parlement a adopté un texte faisant passer le congé maternité à 20 semaines payées à 100% du salaire. Il aussi introduit deux semaines de congés paternité. Ce rapport d’Edite Estrela (Parti Socialiste Portugais) représente une grande avancée pour les femmes européennes en modifiant une directive de 1992 qui portait à 14 semaines le minimum de congé maternité mais laissait la liberté aux Etats de définir la rémunération de ces congés. Si le Conseil européen adopte ce rapport et si les Etats le retranscrivent dans le droit national, le congé et la règle de rémunération seront les mêmes pour toutes les citoyennes européennes, avec la protection du poste occupé par l’employée avant et après son congé (interdiction de tout licenciement jusqu’à 6 mois après le congé).

En France,  le congé maternité est actuellement de 16 semaines. C’est donc une avancée du Parlement dont je me félicite, la droite européenne et l’UMP ont voté contre (390 pour, 192 contre et 59 abstentions). Cette proposition, qui va plus loin que ce que suggérait la Commission (18 semaines), doit encore être validée par les gouvernements européens et par le Conseil. Nadine Morano, Secrétaire d’Etat française chargée de la Famille et de la Solidarité, a déjà déclaré qu’elle s’y opposait. Associations et syndicats doivent maintenant s’emparer de cette proposition pour qu’elle devienne une réalité concrète dans la vie des européennes.

RAPPORT SUR LA CRISE

Rapport Berès : Un bon exemple des modifications que l’on peut imposer de force à un rapporteur
Voilà un an s’était créée au Parlement une commission spéciale dont le but était de produire un rapport sur les causes de la crise et ébaucher des propositions. Pervenche Berès (Parti Socialiste Francais), reconnue pour ses compétences dans les domaines économiques, avait été désignée comme rapportrice. Après plusieurs mois d’auditions avec un large panel d’économistes, de directeurs de banque centrale et de syndicalistes (à notre demande), ainsi que la participation de groupes politiques à différents thèmes de réflexion, Pervenche Berès a présenté un rapport intéressant et utile sur les causes de la crise.

Il dénonçait sans ambigüité la financiarisation de l’économie, l’absence de contrôle sur les flux financiers et le laisser-faire des gouvernements qui s’est avéré catastrophique. Non content de s’attaquer aux « trous noirs » de la finance (absence de législation, ou trop souples lorsqu’elles existent, liberté de circulation des capitaux, paradis fiscaux), le rapport dénonçait aussi l’inégalité de la répartition des richesses : en favorisant le capital par la financiarisation de l’économie c’est la logique de rentabilité aux dépens de l’investissement à long terme et des salaires que l’on a privilégiée.

Mais sous la pression des députés de droite qui menaçaient d’écrire un nouveau rapport et de le faire passer à la place du sien, Pervenche Berès s’est résignée à intégrer les suggestions de la droite européenne et surtout à minorer les siennes. Liem Hoang Ngoc (Parti Socialiste Français) a déjà vécu cette situation, son rapport sur les finances publiques avait été complètement réécrit pour devenir un plaidoyer pour la coupe en règle des budgets au nom de l’austérité. A l’époque, il avait fait retirer son nom du rapport ainsi dénaturé. Au final, une des parties les plus importantes du rapport sur les causes de la crise, la financiarisation de l’économie et l’inégale répartition des richesses, est passée à la trappe sous la pression de la droite.

Le rapport va même plus loin en prônant une financiarisation et une réforme du système des retraites, auxquelles plusieurs paragraphes sont consacrés dont celui-ci, je cite :

« prend acte de ce que le grand krach éclaire d’un jour nouveau le défi démographique et celui du financement des retraites ; considère que le financement des pensions ne peut être entièrement laissé au secteur public, mais doit reposer sur des systèmes à trois piliers, comprenant des régimes de retraite publics, professionnels et privés, dûment garantis par une réglementation et une surveillance spécifiques destinées à protéger les investisseurs »

En ce qui concerne les politiques d’austérité, je cite :

« insiste pour que les dispositions du pacte de stabilité et de croissance soient renforcées, en particulier leur volet préventif, dans le cadre duquel les pressions par les pairs sont l’instrument le plus puissant actuellement disponible pour contraindre les États membres à se conformer aux recommandations du Conseil ; demande de renforcer la surveillance économique exercée par la Commission ; estime qu’il y a lieu d’examiner la possibilité de mettre en place des mesures encourageant l’assainissement budgétaire »

Et le rapport appelle même à son renforcement, je cite :

« prie instamment la Commission d’instaurer, dans la zone euro, un système contraignant de sanctions relevant sans ambiguïté de sa compétence, afin d’obliger les États membres à respecter les règles du pacte de stabilité et de croissance »

Au groupe de la GUE-NGL nous avons essayé de déposer plusieurs amendements réintroduisant des analyses progressistes et supprimant les mentions faites aux instruments européens pour renforcer l’austérité budgétaire. Mais face au déséquilibre des forces en faveur de politiques ultra-libérales au Parlement, seule une vague mention sur la taxe Tobin et un appel à une lutte renforcée contre les paradis fiscaux ont été maintenus.

Dans ces conditions, j’ai voté contre le rapport de Pervenche Berès, tout comme mon groupe de la Gauche Unitaire Européenne / Gauche Verte Nordique. Je crois que les députés socialistes et verts auraient dû faire de même, pour donner aux peuples européens qui luttent un point d’appui supplémentaire.

PREPARATION DU G20

Conseil européen préparatoire au G20
La même logique prônant la réduction des budgets sociaux au nom de l’austérité était à l’œuvre lors de la discussion de ce mercredi 20 octobre sur le futur Conseil européen censé préparer le G20 de mi-novembre. Le Président de la Commission José Manuel Barroso s’est attelé à un numéro d’autosatisfaction comme il sait si bien les faire : « sur l’ensemble, nous sommes sur de bons rails, nous avons appris nos leçons de la crise ». Selon lui, maintenant que la crise est derrière nous, la prochaine étape est désormais la réduction des dépenses des Etats.

Une étape inquiétante a été franchie lors du sommet tripartite de Deauville entre la France, l’Allemagne et la Russie. Profitant de cette rencontre, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont dégagé une position commune sur le projet de durcissement du Pacte de stabilité et la mise en place de sanctions contre les Etats proposés par la Commission. Le gouvernement français s’inquiétait de l’application trop automatique et difficilement réversible de sanctions financières aux pays qui ne respectent pas l’orthodoxie budgétaire du Pacte de stabilité (les fameux 3% de déficit sur le PIB et les 60% de dettes). Le gouvernement allemand, lui, y tenait. Un compromis a été décidé dans le dos des peuples : le Conseil validera au préalable les sanctions, mais en contrepartie de cette demande du gouvernement français l’Allemagne a introduit le principe d’une suspension du droit de vote (que l’on rendrait possible en modifiant les Traités européens). Cette demande est encore plus grave que les sanctions financières, qui pourraient aller jusqu’à 0,2% du PIB du pays concerné, car elle priverait un Etat de sa voix au Conseil. Ainsi, des textes comme l’allongement de la durée du temps de travail, les autorisations d’OGM et toutes autres questions économiques et sociales d’importance pourraient être votés sans que l’Etat sanctionné n’ait son mot à dire.

On nous a expliqué hier que le Traité de Lisbonne était intouchable, et voilà que N. Sarkozy et A. Merkel veulent le modifier… mais pour en aggraver encore le contenu contre les peuples. C’est décidément l’Europe anti-sociale à l’œuvre.

Dans mon intervention, j’ai opposé à ces plans la réalité d’une crise qui frappe chaque jour un peu plus durement les travailleurs et contre laquelle il nous faut au contraire : l’amélioration de la rémunération du travail ; une nouvelle fiscalité plus juste, favorable au travail, défavorable au capital et la mise en place d’une taxe sur les transactions financières ; une amélioration des protections sociales et des services publics ; une grande politique de l’emploi. J’ai également fait une proposition nouvelle : la création d’un fonds de développement humain, social et environnemental, en lien avec un rôle nouveau de la Banque centrale européenne.

Alors que les Etats-Unis vont relancer la création monétaire et injecter des fonds importants dans l’économie, que la Chine pratique une politique monétaire volontariste, que le Brésil et d’autres pays réfléchissent à des moyens de stabiliser leur monnaie en taxant ou en contrôlant les flux de capitaux, l’Union européenne va à contresens en poussant pour la liberté de circulation des capitaux et les restrictions budgétaires. (Pour lire le texte de mon intervention, cliquez ici)


0 commentaires


Patrick Albert 29 octobre 2010 à 10 h 26 min

Qu’attendre de cette Union Européenne ? Même une mesure progressive sur la durée du congé maternité n’est pas sûre de voir son application car il faut que les gouvernements européens et le Conseil soient d’accord.
Que dire de cette Union Européenne qui veut nous imposer les fonds de pension pour le financement des retraites ?
Il faut en sortir pour construire une Europe au service des travailleurs avec une Assemblée Constituante souveraine.

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