Bâtir une souveraineté industrielle, agricole et informationnelle

le 29 septembre 2021

L’éditorial de L’Humanité Dimanche du 30 septembre au 6 octobre 2021 – par Patrick Le Hyaric.

En ce moment, nos concitoyens paient très cher les pertes de souveraineté, déjà mises en évidence par la pandémie. Désormais, des pénuries de matériaux mettent des usines à l’arrêt et des salariés au chômage, bloquent le travail des artisans et renchérissent le prix des constructions.

Evidemment, ce contexte est l’occasion de fortes spéculations sur le pétrole ou le blé puisque le prix de location des conteneurs a bondi de 1000% tandis que la situation de nos paysans-travailleurs ne cesse de se dégrader.

Voilà où nous mène la stratégie de division mondialisée du travail impulsée par les ogres de la finance et leurs mandataires politiques. Elle se révèle tout autant défavorable aux travailleurs et aux consommateurs que destructrice de l’environnement.

La nation française et son peuple sont ainsi rendus de plus en plus vulnérables et dépendants de marchés internationaux adossés aux traités de libre-échange qui, du même coup, contribuent à détruire du travail vivant et à assécher les caisses socialisées de la protection sociale et des retraites.

L’information, la culture, l’édition, les jeux pour enfants sont phagocytés par un actionnariat transnational qui n’a que faire de la qualité du débat démocratique et de la culture. L’audiovisuel est enserré dans une tenaille par laquelle les fabricants asiatiques de l’écrasante majorité des téléviseurs vendus en France négocient en amont la visibilité des grandes plateformes de streaming nord-américaines sur les pages d’accueil des téléviseurs et télécommandes, si bien que l’audiovisuel public pourrait n’avoir qu’une audience anecdotique à brève échéance. « Un peuple qui abandonne son imaginaire culturel à l’affairisme se condamne à des libertés précaires » prévenait Jack Ralite.

Recouvrer la souveraineté est donc une urgence ! Le défi énergétique, qui sera à n’en pas douter l’un des plus importants des prochaines décennies, appelle à réinventer toute une filière professionnelle adossée à une maitrise publique sur la production et la distribution de gaz et d’électricité. Le bradage scandaleux d’Alstom au profit des nord-américains nous aura couté des décennies de retard dans ce domaine crucial. Garantir la souveraineté alimentaire implique de cesser de considérer l’alimentation comme une marchandise que l’on peut importer de l’autre bout du monde au détriment de la qualité des produits, des prix et de la santé, alors que la stratégie d’intensification-concentration de la production écrase les revenus paysans, défigure les territoires et entrave le développement des pays du sud.   

L‘impérieuse nécessité d’une sortie de l’OTAN ne pourra advenir sans garantir notre souveraineté par le développement d’une production nationale en matière de défense. Or celle-ci réclame des investissements colossaux dans les nouvelles technologies, la cyber sécurité, l’armement de défense. Encore une fois, la dépendance à l’égard des Etats-Unis, ajoutée à une politique étrangère belliciste et hasardeuse, aura contribué à ruiner les efforts conduits pour assurer à la France une position originale dans le monde et au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies. 

La reconquête de la souveraineté industrielle, agricole, informationnelle ne sera rendue possible qu’en l’articulant à l’appropriation publique et sociale de pans stratégiques des secteurs industriels et bancaires, à la satisfaction des besoins sociaux et environnementaux, à la hausse des salaires comme au droit à la formation et à la garantie d’un travail qui retrouverait sens et finalité, mais aussi à des objectifs de coopération internationale.

La souveraineté ne saurait être celle de la bourgeoisie nationale, mais au contraire celle du peuple travailleur pour que le fruit de ses efforts lui revienne et que les décisions lui échoient. Elle ne saurait pas plus être le paravent d’un nationalisme purulent, mais la condition d’un nouvel internationalisme aujourd’hui entravé par la compétition capitaliste mondiale.


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