Avec les paysans du Lot et Garonne

le 13 août 2009

Le soleil brille ce mercredi 12 août sur les belles terres du Lot et Garonne. Ce département qui était l’un des jardins de notre pays. Le savoir faire des agriculteurs, le climat, le labeur de ces travailleurs de la terre en ont fait une belle région, couverte de cultures de tomates, de melons, de salades ou de vergers.

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Il y aurait bien de quoi manger quatre ou cinq fruits par jour comme le préconise les experts médicaux. Mais voilà le pouvoir d’achat de l’immense majorité de la population  le permet de moins en moins. Mais ce jour là, les yeux et le cœur des paysans sont sombres, très sombres. On y lit l’angoisse, l’inquiétude et la peur du lendemain,  comme des gens qu’on a collé à un mur, sans perspective, sans avenir. Des hommes et des femmes pourtant si chaleureux, si courageux, si fiers de leur métier et de leur terre mais que les politiques ultralibérales font mourir à petit feu. Cela fait des années qu’ils subissent crise après crise.

Après les déclarations du ministre de l’agriculture, M. Le Maire, la semaine dernière, je voulais me rendre me compte par moi-même de leur situation. Ce que je découvre ce mercredi 12 août à leur contact est proprement insupportable, dramatique, révoltant pour ces femmes et ces hommes.

C’est à l’invitation de mon ami Raymond Girardi, secrétaire général du Modef et vice-président du Conseil général du Lot-et-Garonne que j’ai passé cette journée avec des producteurs de fruits et légumes, des coopérateurs, des élus, dont le député-maire de Marmande, Gérard Gouze. Je souhaitais pouvoir évaluer la situation réelle des petits et moyens producteurs agricoles de fruits et légumes comme ceux d’autres filières, lait et viande bovine. Au-delà de ce que je pensais, j’ai été confronté à l’insupportable situation faite aux travailleurs de la terre.

En une journée, j’ai à nouveau vu un concentré de la folie de ce capitalisme débridé. Cet antihumanisme à l’état pur. 

Témoignages

D’emblée, Christian, le président d’une coopérative, utilise une image pour nous mettre d’emblée au clair. « Ceux qui étaient hier dans le rouge sont en train de disparaître ; ceux qui étaient à l’orange ont une situation qui devient rouge et ceux qui allaient bien, dans le vert, passe à l’orange », nous dit-il. La situation est en effet plus que dramatique et il est curieux que les grands médias n’informent pas sur celle-ci. Elle concerne pourtant tous les consommateurs de notre pays. Le coût de revient du kilo de tomates se situe entre 0,70 centime d’€ et 1€. Il est payé 0,45centimes d’€ aux producteurs. Le coût de revient d’une salade est de 0,30 centimes d’€. Elle est payée 0,20 centimes d’€ aux producteurs. Ce matin même le kilo de pommes de terre se négociait à 0,50 centimes d’€. Et l’après midi, des habitants du village nous apportent un prospectus d’un supermarché où ce même kilo de pommes de terres est vendu 0,99 centimes d’€ le kilo. Autrement dit, les agriculteurs paient pour travailler. Chaque jour, ils perdent de l’argent, beaucoup de manque à gagner, au point d’être étranglés, poussés sur les chemins noirs de la détresse et de la misère demain si rien n’est fait.

 Bruxelles casse nos pays

Et une réflexion revient comme une litanie permanente qui explique mieux que tous les sondages « postélectoraux » et toutes ces pseudo analyses de spécialistes, l’abstention aux élections européennes. « Que nous apporte l’Europe » ? « Quel résultat concret de cette mise en concurrence » ? « Nous sommes de moins en moins d’agriculteurs et notre quantité de production a considérablement diminuée », répond Raymond Girardi, devant des hochements de têtes approbateurs. Et aujourd’hui, les productions se délocalisent, en Espagne, au Maroc, en Pologne même où on emploie des salariés ukrainiens encore moins bien payés que les polonais. En Espagne, en Italie, en Allemagne, on fait venir de la main-d’œuvre marocaine  ou turque en utilisant le principe de la directive Bolkestein selon laquelle les ouvriers saisonniers sont payés selon le droit social du pays d’origine. Le combat contre cette directive qu’avait menée avec acharnement et courage mon ami Francis Wurtz, y avait provoqué des fissures mais ce combat doit aujourd’hui se poursuivre dans l’intérêt de tous.

Et puis, il y a cette remarque générale sur l’Europe, « machine bureaucratique », contre le travail paysan. Gérard Gouze, le député maire socialiste de Marmande qui a pris le temps de nous recevoir à la mairie est très inquiet des dérives ultralibérales de cette Europe et pour la situation économique pour sa communauté d’agglomération de Marmande. Michel Cerruti, qui est l’un de ses adjoints, secrétaire départemental du Parti communiste, montre comment la casse industrielle, les difficultés faites aux PME et la crise agricole se cumulent avec des conséquences terribles.

Et cette lamentable affaire selon laquelle la Commission européenne réclame de 500 à 700 millions d’€ à la France, que le nouveau ministre de l’agriculture entend faire payer par les producteurs soulève la révolte. Cette annonce est la parole de trop du ministre dans ce marasme général. D’abord,  expliquent tous nos interlocuteurs, la moitié des producteurs se retrouve aujourd’hui en retraite. Plutôt, ils reçoivent une aumône de misère en guise de retraite de 400 à 800€. En plus, on voudrait leur faire payer des décisions dont ils ne sont en rien responsables. Autant dire qu’on les jetterait à la rue alors qu’ils ont contribué à l’autosuffisance alimentaire de la France et de l’Europe. Personne ne peut comprendre que des aides publiques nationales puissent être ainsi mises en cause sur ordre de cette petite coterie de la Commission de Bruxelles, non élue, ayant à sa tête ce M. Barroso. Qu’ils aillent sur place voir la vie de ces agriculteurs ! Qu’ils sortent de leur bureau  capitonnés de Bruxelles et réalisent enfin, s’ils le peuvent, les dégâts de leur sinistre politique ultralibérale. 

Révoltant

Pire, l’argument de la concurrence est une funeste blague, un piège, un mensonge éhonté ! A cette époque, chaque pays avait sa monnaie nationale. Et c’est parce que l’Italie ou l’Espagne utilisaient le mécanisme de la « dévaluation compétitive » pour exporter leurs produits dans une France du « franc fort » à l’époque, que nos agriculteurs étouffaient et subissaient, année après année, déjà des crises de mévente ou le marasme des prix.

L’inégalité de concurrence était donc favorable aux pays à monnaie faible et défavorable à la France et à ses producteurs. C’est donc nous qui avons subi la concurrence. Ajoutons qu’en tout état de cause, les trop faibles aides publiques décidées par les gouvernements à la suite des mouvements paysans, n’ont pas empêché un véritable massacre de nos productions au détriment du développement de celles d’autres pays limitrophes dans le cadre d’une concurrence « pas si libre que ça et très faussée ».

Et ceci uniquement pour engraisser l’aval de la production, c’est-à-dire  les quatre ou cinq centrales d’achat et les supers marchés dont les propriétaires sont les mêmes. Eux ne sont pas à l’agonie ! Ils comptent parmi les plus grandes fortunes du pays. Par contre les travailleurs de la terre sont littéralement  asphyxiés. Jean qui cultive 14 hectares de fruits et légumes démontre combien « il est humiliant de quémander sans cesse des aides ». Robert, 37 ans, cultive 65 hectares en production de viande a été à la mairie pour demander le RSA. Son voisin, le plus important producteur laitier du département perd 250€ par jour et s’est lui aussi rendu à la mairie pour demander le RSA. On lui paie le litre de lait 0,27 centimes d’€. Le même lait est vendu 1,20€ à Bordeaux et à Paris. Comble du cynisme, on lui a acheté un veau de 12 jours, 1€. Oui, vous lisez bien,1 € ! IL s’est rendu à la banque pour renégocier des reports de remboursement de prêts. Réponse cynique de celle-ci : on ne peut pas ! On serait en soutien abusif ! … révoltant !! Ainsi la commission européenne demande un remboursement de 500 millions d’euros, dont 150 millions d’intérêts financiers au profit des banques qui serviront sans doute à verser quelques bons bonus à quelques traders ou des parachutes dorés à quelques dirigeants parasites. 

La loi du fric

Mais un producteur de lait asphyxié n’a pas le droit à une simple renégociation de prêt. Voilà la manifestation claire du fonctionnement de ce système à l’agonie. Où sont vos belles consignes aux banques M. le Président de la République ? D’ailleurs, quand vous les réunirez, paraît-il à la fin du mois d’août, après les séances de photos réalisées au Cap Nègre, n’oubliez pas de leur parler du cas de ce producteur de lait. Ne l’oubliez surtout pas !

Dans la cour de ferme de Jean ou maintenant, sous ce petit arbre qui nous protège des puissants rayons du soleil qui font de leur mieux pour faire rougir les tomates, dont personne ne sait si elles pourront être vendues, la vingtaine de personnes présentes écoutent effarées, stupéfiées, les poings fermés, tous ces témoignages. Il n’y a pas que le soleil qui frappe. Le capitalisme lui tape à faire mourir. Dignes, respectueux, chaleureux, mais le cœur lourd, tous mettent leur espoir dans l’unité des producteurs et des consommateurs, dans l’unité de forces progressistes pour qu’enfin on en sorte et qu’on vive bien et non pas plus mal que les générations précédentes.

 Se battre

« Que peux-tu faire maintenant pour nous », me demandent-ils d’un ton chaleureux, poli ? Je leur réponds : « c’est ensemble qu’on peut trouver une issue à votre situation. Mon groupe de la Gauche unitaire ne compte malheureusement que 35 membres dans le nouveau Parlement européen. Je vais donc porter vos paroles, faire connaître votre situation et chercher des alliances au sein du Parlement même, pour que vous soyez entendu ». D’ailleurs, leur dis-je, il y a là la presse. Elle va informer grâce à cette visite de votre situation. Vous avez là une journaliste de l’Humanité, Marie-Noëlle Bertrand, qui a déjà écrit, qui va le refaire. Il y a l’Humanité Dimanche, la Terre. On va donc casser le mur de silence qui entoure votre situation. Et je vais multiplier les interventions et les actions auprès du pouvoir, auprès de la Commission européenne pour que les choses bougent. Mais, nous serons d’autant plus forts que nous bougerons ensemble, dans l’unité, par delà nos opinions. Ce qui compte pour moi avant tout, c’est l’intérêt des travailleurs, ce sont vos intérêts, l’intérêt général. Dans l’immédiat, nous pourrions demander :

– Des aides compensatrices pour que vous puissiez atteindre la fin de l’année qui sont à chiffrer mais que j’estime à environ 250 à 300 millions d’€. Ce qu’a annoncé M. le ministre de l’agriculture, 15 millions d’€ est notoirement insuffisant.

– On peut demander, parce que nous sommes dans une situation de crise, d’appliquer la législation française qui permet d’appliquer dés la semaine prochaine un système de coefficient multiplicateur des prix de telle sorte que l’écart entre le prix producteur et le prix vendu aux consommateurs soit limité à 1,5 ou au maximum 2%.

– La politique agricole commune continue de prévoir qu’en cas de « crise manifeste » un pays peut demander le déclenchement du système de la clause de sauvegarde qui permet de bloquer toutes les importations déstabilisatrices des marchés. Je vais demander au gouvernement français d’intervenir en ce sens auprès des autorités européennes.

– Il faut abroger la loi dite « LME » loi de modernisation de l’économie qui fait la part belle aujourd’hui aux centrales d’achat et a mis les producteurs agricoles mais aussi d’autres dans un rapport de forces défavorable pour négocier.

Mais les questions fondamentales que nous avons soulevées avec le Front de Gauche durant la campagne des élections européennes sont toujours de pleine actualité. Les traités européens qui codifient le libre échange planétaire généralisé, la liberté de circulation des capitaux et des marchandises, sont plus que jamais néfastes, il faut les abroger et les remplacer par des traités progressistes sociaux et écologiques européens.

 Perspectives

Il faut empêcher la renégociation de la PAC telle qu’elle est envisagée mais au contraire obtenir une nouvelle politique agricole européenne qui fixe comme base des prix minimum, rémunérateurs du travail et des investissements nécessaires pour une quantité donnée de production.

S’agissant des importations extra communautaires il faut remettre sur la table l’idée du mécanisme d’une taxe sociale à l’importation. Celle-ci pourrait servir à alimenter un fond dont la moitié serait destinée à aider les pays en développement d’où nous importons ces productions, à relever leurs normes sociales et écologiques. Et l’autre moitié servirait à l’harmonisation sociale par le haut dans l’Union européenne.

Cette journée pour moi a été d’une grande richesse. Elle va servir de base à des actions pour défendre les producteurs de fruits et légumes. La solidarité en action  des salariés, des consommateurs et des paysans est plus que jamais nécessaire. Car, la baisse du pouvoir d’achat conduit également à la baisse de la consommation de fruits et légumes, pourtant si indispensable. Le Modef viendra le réexpliquer la semaine prochaine avec les élus communistes et progressistes dans la région parisienne à Ivry-sur-Seine, de très bonne heure le matin pour débattre avec les habitants de nos cités et leur vendre des fruits au juste prix.

J’y serais.  

 

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0 commentaires


utopies 24 août 2009 à 12 h 20 min

Bonjour, je m’autorise à un commentaire?
Peut-être il peut vous être utile . En effet quel dommage de se priver de fruits surtout et de jus de fruits quand il fait si chaud .
Peut-être que les fêtes locales par l’intermédiaire des comités des fêtes et avec la participation des mairies , pourraient être pour les producteurs locaux ,un marché .
Face aux jus de fruits industriels, aux boissons gazeuses diverses : les jus de fruits frais locaux , dont le prix, à définir, devrait encourager leur consommation .
En plus cela donnerait de bonnes habitudes alimentaires aux petits et contribuerait à lutter contre une trop grande consommation d’alcool par les plus grands ..
Et pour le lait , j’ai une autre pensée ..
Peut-être que la production de ferments lactiques en plus grande quantité et des produits dérivés tels que les boissons lacto-fermentées et les aliments lacto-fermentés qui sont encore relativement chers et rares , serait une solution pour les producteurs de lait et un remède contre les problèmes
mondiaux de gastroentérite, dysenteries etc
En vous priant de m’excuser pour ce commentaire un peu idiot .

Emma 10 février 2013 à 16 h 43 min

Et l’industrie agroalimentaire, en premier, casse notre agriculture, telle que le révèle le scandale de la viande de cheval importée de Roumanie et l’entreprise Spanghero affectée à la casse de cette agriculture et le duo du président de l’agro alimentaire et de la société Lur Berri et Lassalle pris en otage par celui-ci avec références mensongères.

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